numéro
L.174
intitulé de la collection
Albertina
technique marque estampée, cachet sec
couleur
localisation recto
dimension 6 x 5 mm (h x l)
6 renvois  
  • 1921
  • 1956
ALBERTINA, Vienne. Dessins et estampes.
 
La collection de l'Albertina est une des plus riches de l'Europe. Elle doit son origine et son nom à Albert Casimir (1738-1822), fils d'Auguste III de Saxe, roi de Pologne, personnalité sympathique, homme doux et mesuré, qui possédait à un très haut degré ce goût des arts qui était l'apanage de la famille électorale de Saxe. Il servit avec distinction dans l'armée impériale, gagna rapidement la faveur et la confiance de Marie-Thérèse et épousa, en 1766, la fille de cette impératrice, l'archiduchesse Marie-Christine. Par ce mariage il obtint le duché de Teschen ; il s'appela dorénavant Albert, duc de Saxe-Teschen. Sa vie conjugale fut des plus heureuses, grâce aux hautes qualités morales et au doux caractère de sa femme. Gouverneur de Hongrie de 1765 à 1780. Un voyage en Italie, fait en 1776 avec l'archiduchesse, développa davantage ses facultés d'amateur d'art. A cette époque remonte l'origine de ses collections graphiques, le comte Jacopo Durazzo, ambassadeur de l'Empereur à Venise, ayant réuni pour le duc, suivant ses instructions, une importante collection de vieilles estampes italiennes. Le poste de Gouverneur Général des Pays-Bas méridionaux, qu'il occupa ensuite, lui fournit l'occasion d'accroître ses richesses en recherchant surtout les dessins de maîtres néerlandais. Un voyage à Paris, fait en 1786, lui offrit une autre occasion d'achats. Forcé de quitter Bruxelles en 1789 par suite des événements politiques, il voulut se retirer à Vienne dans la vie privée, mais sa charge de feld-maréchal l'en rappela encore en 1794. La mort de sa compagne, en 1798, le jeta sans partage dans le culte de l'art. A partir de juin 1795 il habita le palais situé sur l'Augustiner Bastei, où ses collections se trouvent encore aujourd'hui. Il dépensa pour elles des sommes énormes. Il les forma seul, suivant ses propres goûts et les connaissances qu'il avait acquises. Malheureusement, une grande partie de ce qu'il avait réuni aux Pays-Bas fut perdu dans un naufrage au cours du transport de Belgique à Hambourg, en 1792. En collectionneur passionné, le duc guettait toutes les occasions qui se présentaient. C'est ainsi qu'il s'assura en 1796, par un échange avec l'empereur François II contre un lot d'estampes, ces magnifiques dessins de Dürer, conservés jusqu'alors au château d'Ambras, et qui forment un des principaux attraits de la nouvelle collection. L'Albertina possède actuellement 145 feuilles de ce maître, la plupart ayant constitué le noyau de la célèbre collection de l'empereur Rudolph II, qui les avait acquis des héritiers du petit-fils de W. Pirkheimer, Willibald Imhof (1519-1580), lequel les avait obtenus de la veuve, des amis et des élèves de Dürer même. Probablement le même empereur acquit aussi un volume de dessins de Dürer provenant de la succession du Cardinal Granvelle. Il tenait déjà d'autres feuilles de son prédécesseur l'empereur Maximilien, patron du maître. A ce lot appartenait encore le célèbre dessin de Raphaël, qu'on disait alors avoir été offert par ce maître à Dürer, « pour lui montrer sa main », mais qui, aujourd'hui, n'est plus reconnu comme de lui. Aux dessins de Dürer, le duc ajouta un superbe œuvre gravé du maître, acheté à Rotterdam en 1800 par Karl Artaria. Beaucoup de ses meilleurs dessins italiens proviennent de la riche collection rapportée d'Italie par W. G. Becker (voir L.324). Vers la fin de sa vie, le duc put s'assurer encore une partie des trésors réunis par le comte von Fries de Vienne, lorsque celui-ci se vit obligé de vendre, par exemple, moyennant 1500 fl., cet œuvre magnifique de Lucas de Leyde des collections Mariette, St. Yves et Ploos van Amstel, et pour 300 fl., ce bel œuvre d'Aldegrever, formé par Six et complété par les Mariette. Sans se borner aux maîtres anciens, il recueillit les œuvres d'artistes contemporains et encouragea les jeunes peintres. On raconte comment le duc, devenu vieux, passait ses jours entiers parmi ses portefeuilles bourrés des plus grands trésors, depuis l'aurore jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit, ne donnant à ses repas et à ses promenades que le temps strictement nécessaire. Lorsqu'il mourut sans postérité en 1822, la collection passa successivement, en fidei-commis, aux archiducs Karl († 1847), Albrecht († 1895), et enfin Friedrich, le dernier propriétaire. Par une loi du 3 avril 1919 la collection fut déclarée, propriété de l'état, exception faite seulement pour les pièces achetées par Friedrich, depuis la mort d'Albrecht (voir L.960). L'archiduc Karl s'assura, pour l'arrangement de la collection, les services de F. Rechberger (voir L.2133), l'érudit connaisseur qui s'était acquis une si grande expérience dans son emploi précédent auprès du comte von Fries. Avant l'entrée de Rechberger, la garde du cabinet avait été confiée à l'architecte dessinateur François Le Febvre, sous lequel, vers 1826, disparurent une cinquantaine de dessins de Dürer, dont beaucoup sont actuellement au musée de Brème. Le Febvre avait vendu le lot au marchand Josef Grünling, de Vienne (voir L.1462) qui ne manqua pas de se vanter de sa richesse en dessins du maître. Parmi les conservateurs qui succédèrent à Rechberger, on rencontre différents des plus grands connaisseurs du XIXe siècle, par exemple M. Tausing (à qui nous devons notamment l'histoire de la collection, dans la Gaz. des Beaux-Arts 1870), J. Schönbrunner, et l'obligeant conservateur actuel Dr. Jos. Meder, l'auteur de l'ouvrage le plus complet que nous possédions sur le dessin en général, Die Handzeichnung, ihre Technik und Entwicklung (1919). La collection a été continuellement augmentée, si bien qu'elle contient à présent 22.000 dessins et 230.000 estampes, c'est-à-dire environ un tiers de plus qu'à la mort de son formateur. Un choix des meilleurs dessins se trouve reproduit dans l'excellente publication Handzeichnungen alter Meister aus der Albertina und anderen Sammlungen (1896-1908). La collection témoigne d'un goût largement éclectique et d'un choix harmonieux Outre les Dürer déjà nommés, les dessins de Raphaël y brillent au premier rang. Des 144 feuilles sous son nom, la critique moderne en accepte à peu près 20 comme authentiques ; il y en a de superbes provenant des meilleures collections (Timoteo Viti, Crozat, Mariette, Julien de Parme, Prince de Ligne, etc.). On peut dire que tous les meilleurs maîtres des anciennes écoles italienne, allemande et néerlandaise sont admirablement représentés ; relevons seulement les Michel-Ange, les Léonard, Fra Bartolommeo, Pérugin, Titien, la cinquantaine de dessins de Rembrandt, le même nombre de Rubens, les portraits de van Dijck, les van Eyck, les Dumonstier, les Claude, les Fragonard, les 50 Boucher, etc. Même diversité et même richesse pour les estampes. Dans les italiens, tous les clairs-obscurs, 50 nielles (e. a. Maso Finiguerra), les deux suites presque complètes des Prophètes et Sybilles, le Jeu de tarot, Lippi, Botticelli, Pollajuolo, Mantegna et son école, Marc-Antoine, l'école allemande excellente et, des écoles hollandaise et française, tous les meilleurs aquafortistes et burinistes, Rembrandt et Edelinck au plus beau, et enfin une admirable série de gravures anglaises en manière noire, et des pièces en couleurs de l'école française du XVIIIe siècle.
ALBERTINA, Vienne.
 
Au moment de la publication de l'édition de 1921 s'effectuait la fusion des deux collections admirables que possédait Vienne, l'une de l'Albertina et l'autre de la Hofbibliothek (nommée Nationalbibliothek depuis 1919). Nous avons pu consacrer quelques mots à ce mariage fantastique aux L.1259 et L.1260 consacré à ce dernier institut. Malheureusement le nom d'une des deux collections fut alors sacrifié et dorénavant on ne parle plus que de l'Albertina, parée ainsi d'une double auréole. La direction se trouva devant une tâche énorme de réorganisation. Dans la section des estampes, des milliers de feuilles demandaient un triage consciencieux ; il fallait aussi tirer profit au mieux des doubles, ce qu'on fit par des échanges et des ventes ; bien entendu la section des estampes, devenue doublement riche, ne présentait presque pas de lacunes. Mais une collection de dessins peut toujours être complétée et c'est donc cette section de l'ancienne « Albertina » qui y gagna le plus. Surtout en dessins primitifs et modernes les acquisitions furent spectaculaires et cela à une époque où les finances du pays ne permettaient aucune aide du côté officiel. Une belle équipe de spécialistes qui entourait le nouveau directeur Alfred Stix (nommé en 1923) sut en même temps assurer la préparation et la publication d'excellents inventaires illustrés à savoir : A. Stix et Mme L. Fröhlich-Bum, Die Zeichnungen der venezianischen Schule, Vienne 1926, Otto Benesch, Die Zeichnungen der niederländischen Schule des XV. und XVI. Jahrhunderts, Vienne 1928, A. Stix et Mme L. Fröhlich-Burn, Die Zeichnungen der toskanischen, umbrischen und römischen Schulen, Vienne 1932, H. Tietze et A. Stix, Die Zeichnungen der deutschen Schulen bis zum Beginn des Klassizismus, I-II, Vienne 1933, A. Stix et Mue A. Spitzmüller, Die Schulen von Ferrara, Bologna, Parma, der Lombarde, Genuas, Neapels und Siziliens, Vienne 1941. En même temps l'ancien directeur de l'Albertina, Joseph Meder, qui démissionna en 1923, soignait l'édition en grand format d'excellents fac-similés des plus beaux dessins, accompagnés d'un texte bien documenté ; ainsi parurent à Vienne Handzeichnungen französischer Meister des XVI. - XVIII. Jahrhunderts, 1922 ; Handzeichnungen deutscher Meister des XV. und XVI. Jahrh., 1922 ; Handzeichnungen alter Meister aus der Albertina und aus Privatbesitz, 1922 ; Handzeichnungen italienischer Meister des XV. - XVIII. Jahrh., 1923 ; Handzeichnungen holländischer Meister des XV. - XVII. Jahrh., 1923 ; J. Meder et A. Stix, Handzeichnungen italienischer Meister des XIV. - XVI. Jahrh., 1925.
Mentionnons encore comme publication plus ancienne l'ouvrage de H. Röttinger, Einzel-Formschnitte des XV. Jahrhunderts aus der Albertina in Wien, Strasbourg 1911. Dans la Festschrift für Max J. Friedländer (1926, p. 312 e. s.) Alfred Stix publia et commenta quelques lettres intéressantes d'Adam Bartsch.
Lorsqu'en 1934 Alfred Stix fut nommé premier directeur du Kunsthistorisches Museum, la direction de l'« Albertina » resta entre les mains de différents conservateurs-administrateurs, pour revenir en 1947 au Dr. Otto Benesch que les événements politiques de 1938 avaient temporairement éloigné. Avec lui un spécialiste sérieux reprenait l'ancienne activité. Dans l'été 1949 une belle exposition des plus beaux dessins de l'Albertina eut lieu dans le bâtiment même de l'Augustinerbastei ; le catalogue avec introduction historique fut le premier d'une série qui s'est continuée depuis par d'autres expositions spécialisées. De 1946 à 1950 des expositions de dessins eurent lieu pour la première fois à l'étranger, à Zürich, Londres, Édimbourg, Leeds, Stockholm et Paris, dans un esprit de fierté et de propagande compréhensible, mais aussi avec une générosité quelque peu exubérante à l'avis des amateurs qui tiennent à la bonne conservation de ces merveilles. Depuis 1949 on appose au verso des nouvelles acquisitions et des feuilles d'ancien fonds qu'on change de monture, un nouveau cachet en caoutchouc aux initiales du fondateur de l'Albertina. Nous le reproduisons au L.5e. Le même cachet en métal sert pour les montures. Ce simple cachet rond a remplacé l'estampille L.5d, qui servit depuis la fusion des deux collections jusqu'en 1948. Les doubles réalisés dans les différentes ventes publiques citées ci-dessous furent marqués de cachets que nous reproduisons aux L.5d (avec mention « veräussert »), L.5f, L.5g et L.5h. La marque L.5g ne fut pas apposée par l'Albertina, mais par la maison Boerner de Leipzig à l'occasion de la vente de novembre 1922. Les doubles vendus ou échangés à l'amiable ont rarement été estampillés. L'expression « doubles » ne s'applique bien entendu qu'aux estampes, dont on peut posséder plusieurs épreuves. Elle ne s'emploie pas pour les dessins ; en effet peu de ceux-ci ont quitté l'« Albertina », seulement par exemple les dessins considérés comme propriété privée de l'archiduc Friedrich pour lesquels nous renvoyons au L.960, et quelques aquarelles autrichiennes du XIXe siècle, souvent d'intérêt topographique, échangées avec des musées de province ou avec des collectionneurs.
La belle bibliothèque d'Albert de Saxe-Teschen, riche en ouvrages anciens, rendue à l'archiduc Friedrich après la nationalisation de l'Albertina fut ensuite vendue, surtout par la maison Gilhofer et Ranschburg.
 
VENTES :
I. 1922, 13-16 novembre, Leipzig (chez C. G. Boerner). Estampes françaises du XVIIIe siècle. Doubles de l'Albertina et d'une collection allemande, 1602 nos. Préface d'Alfred Stix. Estampes d'après Boucher, Chardin, Fragonard, Lancret, Watteau, etc., et par Drevet, Edelinck, Janinet et J. G. Wille, la plupart en splendides épreuves. L'œuvre presque complet de G. Demarteau appartenait à « l'autre collection ».
 
II. 1923, 20-22 novembre, Vienne (chez Gilhofer et Ranschburg). Estampes anglaises en manière noire du XVIIIe siècle et quelques estampes françaises de la même époque. 637 Numéros dont 139 d'après Reynolds et 143 par F. Bartolozzi.
 
III. 1924, 14-15 novembre, Leipzig (chez C. G. Boerner). Vente combinée avec d'autres provenances. Estampes des XVe - XVIIIe siècles. D. Campagnola, l'Assomption 3400 M. ; Rembrandt, La petite Tombe 7500 M., Le Pont de Six 3400 M., La Chaumière et la grange à foin 6000 M., Jean Lutma 6500 M. ; Nic. de Modène, Le Sort de la langue méchante 3800 M., Quatre panneaux d'ornement 6200 M. ; M. Schongauer, La suite des 12 apôtres 8500 M., St. Sébastien 4000 M.
 
IV. 1925, 25-27 mai, Leipzig (même direction). Vente combinée avec d'autres provenances. Estampes pour la plupart des XVIe - XVIIe siècles : Schongauer, Dürer, Lucas de Leyde, Rembrandt et Waterloo.
 
V. 1932, 3 mai, Leipzig (même direction). Estampes de maîtres anciens « Aus einer alten Sammlung ». Maître anonyme italien du XVe siècle, Suite des prophètes 5500 M. ; Dürer, Adam et Eve 8000 M., La Naissance du Christ 4000 M., La Vierge allaitant l'enfant Jésus 2700 M., La Vierge au singe 2500 M., St. Eustache 3000 M., St. Jérôme dans sa cellule 5000 M., La Mélancolie 3000 M. ; Maître anonyme allemand du XVe siècle, St. Pierre 2100 M., St. Jacques le Majeur 2100 M., St. Philippe 2500 M. ; Rembrandt L'Adoration des bergers 2700 M., Retour d'Égypte 4100 M., Jésus - Christ présenté au peuple 7500 M., Les trois Croix 23.000 M., Ephraïm Bonus 4500 M.
 
VI. 1934, 28-29 novembre, Lucerne (Gilhofer et Ranschburg). Vente composée de diverses provenances. Des estampes importantes de Dürer, portant pour la plupart la signature de P. Mariette, puis celles de B. Montagna et de G. A. da Brescia proviennent de l'Albertina.
 
VII. 1948, 27 novembre, Berne (chez Gutekunst et Klipstein). Estampes modernes, Helvetica. Vente composée dans laquelle passèrent quelques estampes de maîtres suisses du XVIIIe siècle.
 
VIII. 1949, 17-21 mai, Lucerne (Galerie Fischer). Dans cette vente composée passèrent 70 portraits - miniatures.
 
IX. 1956, 20 avril, Berne (chez Gutekunst et Klipstein). Vente composée dans laquelle passèrent des estampes des XVe et XVIe siècles.
 

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