John BARNARD († 1784), Londres. Dessins et estampes.
John Barnard, surnommé Jacky Barnard, était le fils de Sir John Barnard (1685-1764), négociant et homme politique connu, et de Jane, fille de John Godshall, lequel commerçait avec la Turquie et résidait à Londres. Barnard demeurait à Berkeley Square, et consacra plus de 50 ans à la réunion d'une admirable collection d'œuvres d'art. Il était un des meilleurs juges de son époque en matière d'art. Les feuilles provenant de sa collection sont toujours du meilleur choix, tant comme qualité que comme conservation. Aussi comprend-on son indignation lorsque le sculpteur Nollekens, qui, selon lui, n'avait pas assez admiré ses dessins italiens, répliqua : « C'est que j'en ai vu plusieurs à Rome chez Jenkins lorsque celui-ci les dessina pour mon ami Crone, l'artiste, un de vos agents ». Cette offense coûta à Nollekens d'être radié du testament de Barnard. Les eaux-fortes de Rembrandt que Barnard avait réunies et dont plusieurs étaient réputées provenir de l'ancienne collection Six (sans doute par le graveur J. Houbraken qui paraît avoir acheté l'œuvre de Rembrandt à la vente W. Six en 1734), étaient de la plus rare beauté. Barnard joignait à son amour des objets d'art celui du beau sexe et parfois, au verso d'estampes représentant des femmes, il mettait une note indiquant que la personne représentée lui rappelait quelqu'une de ses connaissances. Outre les estampes et dessins, Barnard collectionna les tableaux, qui passèrent à sa mort à son neveu Thomas Hankey, de Bedford Square, et qui furent vendus, au décès de ce dernier, par Christie, les 7-8 juin 1799 (83 nos). Barnard avait d'abord destiné ses livres, estampes et dessins à John Wilkes, l'homme politique bien connu, pendant de longues années son ami intime. Mais il annula cette disposition testamentaire lorsqu'il y eut quelque froid entre eux, par suite de relations trop intimes qui auraient existé entre Mme Barnard et Wilkes. (Voir The Correspondance of the late John Wilkes with his friends, 1805 vol. V. pp. 25-28 et H. Bleackley Life of John Wilkes 1917 pp. 247, 294-296). A sa mort sa fortune fut évaluée £ 200.000. Son portrait, dessiné au crayon par Nath. Hone le 31 janvier l755, passait dans une vente chez Amsler & Ruthardt à Berlin le 3 mai 1911 (110 M.).
La marque de John Barnard est de toutes les marques anglaises, la plus révérée. C'est que le goût parfait de ce collectionneur ne fut presque jamais en défaut, et que par suite son paraphe est une excellente garantie d'authenticité. Sa présence sur une feuille nous assure qu'un dessin plus caractéristique ou qu'une estampe en meilleure épreuve est pour ainsi dire introuvable. Barnard avait l'habitude de signer de sa belle écriture les feuilles de sa collection, soit seulement de ses initiales soit de son nom en entier (voir au L.219). Quelquefois il ajoutait la date d'acquisition. Au verso de ses dessins il mettait toujours les dimensions et un numéro (L.1420). Ce numérotage fut continué jusqu'au n° 1100, ainsi que nous l'apprend le catalogue de sa première vente.
VENTES
I. 1787, 16 février et 7 jours suivants, Londres (chez Greenwood, Leicester Square). Dessins des écoles italienne, hollandaise, flamande, française et anglaise ayant antérieurement fait partie de collections célèbres comme celles du Earl of Arundel, de Sir Peter Lely, Lord Somers, Earl of Cholmondeley, Dr. Mead, Richardson, Houlditch, Uvedale Price, celles-ci anglaises, et des collections Muilman et van der Dussen d'Amsterdam, et de la collection Mariette, de Paris. Le catalogue in-4°, de 43 pages, avec frontispice gravé par Bartolozzi d'après B. West représentant le buste de Barnard à côté de figures allégoriques [corr. suppl. 1956 : avec frontispice, représentant le roi Georges III d'Angleterre, gravé à l'eau-forte par Bartolozzi d'après l'aquarelle de B. West (actuellement au Musée du Rhode Island School of Art, à Providence)], contient environ 800 nos, distribués en 8 vacations. Il ne donne malheureusement que les noms des artistes, sans aucune description qui permette d'identifier et de suivre les dessins. Leur importance devait être de tout premier ordre et l'on croit volontiers ce passage de la préface. « It is presumed, that a more capital collection was never offered to the Public or more worthy the Attention of the learned Connoisseurs ». - La préface contient aussi une liste de marques de collectionneurs, avec de courtes notices sur chaque collection ; c'est la source la plus ancienne sur cette matière et l'embryon de notre présent ouvrage. Cette liste fut copiée, avec quelques fautes, dans le catalogue de Reynolds de 1794, et elle paraît avoir été la base de celle que donna Reveley dans ses Notices, en 1820. - Produit de la vente £ 2472 16s.
II. 1798, 16 avril et 25 jours suivants, Londres (chez Th. Philipe, Warwickstreet). Estampes et recueils de gravures. Superbe vente, comprenant les différentes écoles et époques, exceptionnelle surtout par les œuvres de Rembrandt, Hollar, Marc-Antoine, van Dijck et Rubens. Les prix furent d'un bon marché désespérant pour ceux qui recherchent les belles estampes aujourd'hui. C'est ce qui ressort surtout de l'œuvre de Rembrandt qui embrassait 449 nos, y compris les quelques pièces douteuses, et dont la vente occupa cinq vacations (18e à 22e). Une notice spéciale relevait que cet œuvre était réputé le plus choisi et le plus complet en Angleterre, qu'il contenait quantité de pièces rares de la collection Six, et qu'aucune autre collection ne pouvait se vanter de tant d'épreuves sur japon. La description, bien faite pour l'époque, suit le catalogue de Daulby. Quelques-uns des portraits firent les plus grands prix : le grand Coppenol, au fond blanc, sur japon £ 57 15s., Tholinx, superbe, £ 36 15s., Six, sur japon, £ 21 et le Peseur d'or, 1r ét. sur japon, £ 19 5s., La Pièce de cent florins, chargée de barbes, sur japon, £ 33 1s. 6d. (apparemment l'épreuve ayant appartenu à Astley, L.2774) et une autre avec moins de barbes £ 9 14s. Les grandes raretés parmi les sujets bibliques, furent un 1r état, non terminé, de l'Annonciation aux bergers £ 5 7s. 6d. (une brillante épreuve terminée fit £ 14 3s. 6d.), l'Ecce Homo en hauteur, non terminé, sans le groupe du milieu, £ 15 (1r ét. sur japon £ 4 11s.), La grande Descente de croix, la planche abandonnée, cintrée par le haut, £ 20 5s. et un 1r ét. de la planche définitive £ 16 5s. 6d., St. Pierre et St. Jean à la porte du temple, la pièce rarissime B. 95, coll. Houbraken et Pond, £ 3 3s., La grande Résurrection de Lazare, avant le bonnet et avant le changement de la femme à droite £ 9 9s., Le bon Samaritain, 1r ét. £ 4 4s., L'Ecce Homo en largeur, 1r ét. sur japon £ 4 11s., St. François, 1r ét. sur japon, coll. Houbraken, £ 4 4s., Suivit la Coquille, au fond blanc, £ 9 14s., La Médée, avant la couronne, sur japon, £ 3 5s., Le lit, idem £ 3 3s., et sur papier ordinaire £ 4 14s. 6d., La Femme devant le poêle, plusieurs, dont la meilleure £ 2 15s., Dans les paysages : l'Omval £ 3, Les trois Arbres £ 8 8s., Le Paysage au carrosse, sur japon, £ 19 8s. 6d., et cette autre pièce douteuse, La Terrasse £ 5 15s., La Grange à foin et le troupeau £ 6 6s., et La Chaumière et la Grange à foin £ 5 7s. 6d. Outre les portraits nommés ci-dessus : Rembrandt dessinant, tout premier état, £ 4 13s. et avant le paysage £ 3 15s., Anslo, 1r ét. £ 12 1s. 6d., Francen, 1r ou 2e ét. sur japon £ 5 10s., le vieux Haaring, 1r ét. sur japon £ 10 15s., le jeune Haaring, 1r ét., £ 3, 2e ét. £ 5 5s., Lutma, 1r ét. £ 5 17s., Asselijn, 1r ét. £ 6 16s. 6d., Uyttenbogaert, le ministre, 1r ét. £ 8 8s. La grande Marié juive £ 4 4s. - L'œuvre de Hollar, très nombreux aussi, occupa trois vacations : Esther et Ahasvérus, d'après le Véronèse, 1r ét. £ 16, Les Coquilles, 38 ff. £ 20, Vue de Londres en 7 ff. £ 12 12s. et les plus rares portraits entre £ 10 et £ 17. - Les estampes d'après Rubens, aussi trois vacations : Judith et Holopherne av. l'adr. £ 8 18s., Fuite en Egypte par Marinus £ 6 16s. 6d., la Cène par Soutman £ 8 2s. 6d., « Venus Lusthof » par Clouet £ 9 et Les six paysages par Bolswert et Clouet £ 12 5s. - Un exemplaire de l'Iconographie de van Dijck, presque toutes les feuilles avant les noms des graveurs, et 25 par van Dijck dont 10 en premiers états, 203 ff. £ 27 6s. Nombreuses gravures d'après les compositions de van Dijck. Le Liber Veritatis en épreuves d'essai £ 25 4s. et l'œuvre de della Bella avec feuilles de Callot ajoutées £ 34 6s. - Parmi les. nombreux graveurs hollandais du XVIIe siècle notons encore Berchem, Ostade (son œuvre £ 7 5s.), Lucas de Leyde, Goltzius, de Passe, et surtout Corn. Visscher, dont La faiseuse de crêpes av. l'adr. £ 10 5s., Musiciens ambulants £ 14, Winius £ 13 2s. 6d., de Rijck, sur parchemin, £ 2 12s. 6d., Vondel, 1r ét. £ 6 6s. - Dans les allemands, les meilleurs maîtres du XVe et XVIe siècle ; citons, de Schongauer, le Combat £ 3, de Dürer une épreuve superbe de l'Adam et Eve £ 17 17s., et du prince Rupert Le grand Exécuteur £ 2 15 s. - Comme maîtres français les portraitistes et les burinistes du XVIIe siècle, Claude (36 ff. et 5 par Bariere £ 9 9s.) et Poussin (8 ff. £ 5 5s.), et comme anglais une grande série de Bartolozzi (6e vacation), des portraits de Faithorne c.s., Strange (Charles Ir au cheval, 1r ét. £ 8 8s.), Woollett (Death of Wolfe £ 6 6s.) et leurs contemporains. - Enfin l'école italienne avec Marc-Antoine en tête : Le Massacre, avec le chicot £ 6 6s., La Descente de Croix £ 6 6s.,St. Paul à Athènes £ 7 10s., Ste Cécile au collier £ 6 10s., St. Laurent £ 7 10s., Le Rêve £ 7, Jugement de Pâris £ 6 17s. Grande série de Bonasone, puis Mantegna, les Carrache, des clairs-obscurs, etc. - Produit £ 5030 9s.