P. MARIETTE (1634-1716), marchand d'estampes, Paris.
Pierre Mariette, le deuxième de ce nom qui nous soit connu comme marchand d'estampes, avait été initié à ce commerce par son père, Pierre Mariette I. Celui-ci, dont on ignore la date de naissance, avait épousé en 1633 Geneviève, fille du libraire Guillaume Lenoir, qui comptait parmi ses ancêtres quatre générations de libraires. Elle lui donna six enfants, dont l'aîné était le Pierre II cité en tête de cette notice ; elle mourut en 1641. Pierre se remaria avec la fille du libraire Jean de Bray, Catherine († 1658), dont il eut encore dix enfants. Autant graveur que marchand, il est le patriarche de cette famille dont quatre générations successives se consacrèrent à l'amour des estampes. C'est lui qui commença ce cabinet célèbre, que l'intelligente activité de ses descendants et continuateurs devait rendre insurpassable. Il mourut en 1657. Pierre II donna une grande extension au commerce de son père. Son mariage en 1655, avec Madeleine de Colmont, veuve du fameux marchand et éditeur d'estampes François Langlois, de Chartres, dit Ciartres (1588-1647), ne contribua pas peu à la prospérité de ses affaires. Elle était bien d'au moins 14 ans l'aînée de Mariette, mais la maison qu'elle lui apportait, fondée en 1633, était achalandée des meilleurs clients. Langlois, dont la figure nous est connue par la peinture de van Dijck, qui l'a représenté en Savoyard, s'était beaucoup spécialisé dans les dessins. Il avait été l'un des agents du Earl of Arundel et de Charles Ir. Faucheux, dans la Revue universelle des Arts (1857, VI p. 314-330), donne sur lui d'intéressants détails. Son magasin, situé rue St. Jacques, au coin de la rue des Noyers, en face de la chapelle St. Yves, portait l'enseigne « Aux Colonnes d'Hercule », avec la devise « Nec plus ultra », devenue sous les Mariette « Haec meta laborum ». C'est cette adresse que porteront dès lors, et pendant une centaine d'années, les nombreuses publications sorties de chez les Mariette, en remplacement de l'ancienne, « à l'Espérance », aussi rue St. Jacques. C'est ainsi que Mariette s'enrichit tout à la fois et des relations de commerce, même des amitiés, que Langlois s'était faites dans le monde artistique, alors si animé, de la France, de l'Italie, des Pays-Bas, et de l'Angleterre, et de ses papiers, correspondances d'artistes, livres de compte, etc., dont nous verrons au XVIIIe siècle, le célèbre Pierre-Jean Mariette (voir L.1852), petit-fils de Pierre II, tirer un si heureux profit. De son mariage avec la veuve Langlois, Pierre II eut quatre enfants dont le dernier, Jean, né en 1660, (voir L.1488) devait plus tard être le digne successeur de son père. Il eut même, octogénaire, la joie de voir s'engager dans la voie tracée par ses ancêtres, son petit-fils, Pierre-Jean Mariette, qui se montra déjà expert assuré, bien, qu'âgé seulement de quelque vingt ans. Pierre II perdit sa compagne en 1661 et épousa en secondes noces, en 1664, Marie, fille du libraire Simon Piget. Quatre enfants naquirent de cette seconde union.
Par la grande variété des estampes sur lesquelles nous rencontrons, à tout moment, la signature de Pierre Mariette, accompagnée le plus souvent d'une date, sans doute celle de l'acquisition, nous pouvons nous former une idée de l'étendue de son commerce. Les occasions heureuses furent, on peut le croire, bien fréquentes à cette époque d'abondance, où tant d'estampes maintenant introuvables circulaient encore. Pierre II déjà se mit à conserver quantités de belles feuilles, auxquelles son fils et son petit-fils ajouteront encore, et qu'ils chériront comme leur collection particulière. Ses relations intimes avec les artistes lui facilitaient d'ailleurs cette poursuite. C'est ainsi qu'il compléta l'œuvre de della Bella déjà commencé par Langlois, avant lui très lié avec l'artiste.
On ne sait au juste si Pierre I, le père de Pierre II qui nous occupe ici, avait eu, comme lui, l'habitude d'écrire son nom sur les estampes qui passaient par ses mains. On serait tenté de croire que la première des signatures reproduites ci-contre [L.1787, L.1788, L.1789, L.1790] est la sienne, tant à cause de la date que de l'adresse. Pour ce qui est de ces dates anciennes, Thibaudeau croyait avoir lu 1649 sur la Mélancolie de Dürer ; nous avons rencontré 1648 sur le Fils prodigue, et 1651 sur le St. Thomas, B. 48, du même maître, et 1652 sur un petit Rembrandt, B. 356. Mais des dates aussi reculées sont peu fréquentes, et si Mariette I signait ses épreuves, il semble que ce n'ait été qu'occasionnellement, au contraire de Pierre II pour qui il s'agit d'une habitude générale. Ce dernier les signait parfois seulement de ses initiales (voir L.2096).