numéro
L.2092
intitulé de la collection
Lely, Peter
technique marque estampée, encre
couleur noir
localisation recto
dimension 3 x 4 mm (h x l)
4 renvois  
  • 1921
  • 1956
  • depuis 2010
PETER LELY (1618-1680), peintre de portraits, Londres. Dessins et estampes.
 
Pieter van der Faes était fils d'un officier au service de la Hollande qui avait pris le surnom de Lely (= lis) du nom de la maison où il naquit à La Haye. Le fils reçut son éducation en Hollande et étudia sous Frans Pz. de Grebber à Haarlem (1637). Venu en Angleterre en 1641, avec la suite de Guillaume d'Orange, à l'occasion du mariage de ce Prince avec Marie, fille de Charles Ir, le jeune peintre y subit l'influence de van Dijck. Après la mort de ce dernier il devint le portraitiste favori du roi, peignit toutefois le portrait de Cromwell et parvint aux plus grands honneurs sous Charles II. Celui-ci l'anoblit ( « Knight » en 1679). Sa trop grande habileté et son maniérisme lui ont fait auprès de la postérité la réputation d'un artiste bien inférieur à ce que ses contemporains enthousiastes voyaient en lui. Le succès de son pinceau lui assurait d'amples revenus et à une époque où les collectionneurs étaient clairsemés en Angleterre, il s'en servit pour se rendre possesseur d'un grand nombre des œuvres d'art que les troubles jetaient sur le marché. Ses biographes ont raconté qu'il s'entourait de toutes ces œuvres d'art d'écoles étrangères parce que ses occupations l'empêchaient de voyager et de visiter les galeries célèbres des autres pays. Ainsi il profita de la dispersion des deux plus belles collections que l'Angleterre ait connues, celles du Earl of Arundel et de Charles Ir. Il acquit de la veuve de van Dijck les tableaux et les dessins du grand maître et d'autres peintres célèbres, et il obtint du duc de Buckingham plusieurs des belles pièces qui lui restaient de l'admirable collection de son père. Un passage du journal de Const. Huygens jr. (éd. de 1876, I p. 326) fait supposer que Lely n'agissait pas toujours honorablement. On lui reprochait le vol de plusieurs feuilles des volumes de dessins italiens du roi ; des originaux y avaient été remplacés par des copies. Son extraordinaire activité de collectionneur nous fait penser au zèle déployé cent cinquante ans plus tard par son confrère Thomas Lawrence. Tous deux parvinrent à réunir les plus grandes richesses de leur époque en dessins, et tous deux moururent chargés de dettes, causées par leurs nombreux achats. A la mort de Sir Peter Lely on tâcha de vendre ses trésors d'art, en loterie, pour couvrir ses dettes (£ 3000) et ses legs (£ 5500). Mais cette tentative ayant échoué, l'exécuteur testamentaire, Roger North, procéda à la vente publique dans la maison du défunt, à Covent Garden. Les tableaux furent vendus d'abord, dans une vente de quatre jours qui commença le 18 avril 1682. North, dans son autobiographie publiée par Aug. Jessop en 1887, raconte, chap. XV. « I made the lists of the pictures, with the author's names, and dimensions. I caused them to be sent into Holland, France and Italy, and at Easter opened the sale, and all along made this declaration, that nothing was exposed but what Sir P. Lely left without alteration, and nothing subtracted, but the whole laid before them, and without any false bidding. We had parted out a place with chairs for quality, the rest of the ordinance was a table and forms. The managers were Sonnius [un ami intime de Lely, dont North s'était assuré les services], Lankrink [l'ancien aide de Lely], Walton, and Thompson, the crier, and in four days we finished our work, and sold far above £ 6000, which was a succes to our content ». On trouve cités dans les Anecdotes de Walpole, édition de 1876, II p. 99, quelques-uns des prix des plus beaux tableaux. Le produit énorme de £ 26.000 que quelques auteurs ont à tort donné pour cette vente, représente plutôt le total de la succession entière. Les notices répandues étaient des listes très sommaires. Mariette (Abecedario III, p. 129) dit : « J'en ai un exemplaire consistant en une seule feuille volante. » Bathoe, dans le 3e volume de son édition d'anciens inventaires et catalogues (1758), donne la liste détaillée des tableaux, 135 nos et 37 grisailles. On y note huit Véronèse, deux Titien, quatre Giorgione, trois Claude Lorrain, cinq Rubens, quatre van Eyck et vingt-six van Dijck, non compris ses grisailles. Les sculptures y sont décrites moins en détail, et la masse des dessins et estampes est seulement indiquée dans son ensemble par quelques mots élogieux, en relevant les noms de Raphaël, Michel-Ange et Polydore. Une copie complète, par G. Vertue, du catalogue de cette première vente se trouve au British Museum, Add. MS. 23081 ff. 74-78, et tous les prix et acheteurs dans le « Executor'sAccount Book of Sir Peter Lely, 1679-1691 » conservé au même dépôt, Add. 16174. - Roger North, après avoir réalisé les tableaux, profita d'une période de solitude dans sa vie pour s'occuper de la partie graphique. « I got a stamp, P. L., and with a little printing ink, I stamped every individual paper, and not only that, but having digested them into books and parcels, such as we called portfolios, and marked the portfolios alphabetically AA, AB, &c, then Aa, Ab, &c, then Ca, Cb, Cc, &c., so consuming four alphabets, I marked on every cartoon and drawing the letter of the book, and number of the paper in that book, so that if they had been all shuffled together, I could have seperated them again into perfect order as at first : and then I made lists of each book, and described every print and drawing, with its mark and number, the particulars of all which were near ten thousand ». On voit que North était un exécuteur exemplaire qui ne craignait pas le travail. Pour d'autres détails sur la vente de cette partie, voir ci-dessous. Le profit de la liquidation finale revenait aux deux enfants de Lely, encore jeunes à la mort de leur père. La fille mourut bientôt et le garçon, caractère faible, devenait l'unique héritier.
La dispersion de cette admirable collection de dessins, la plus vaste de l'Angleterre jusqu'alors, a éveillé le goût général des amateurs pour cette branche de la « curiosité ». A partir de cette époque l'amour des dessins se répand de plus en plus parmi les virtuosi anglais ; les peintres collectionneurs, entre autres l'aide de Lely, P. H. Lankrink (L.2090), s'inspirent de leur confrère, la noblesse et les riches particuliers suivent l'exemple, et comme leurs préférences allèrent aux écoles d'Italie, ce pays fut systématiquement dégarni de dessins par les voyageurs anglais.
Autres marques aux nos L.1734 et L.1753.
 
VENTES
I. 1688, 11 avril et 7 jours suivants, Londres (direction Sonnius, Lankrink et Thompson). Dessins et estampes. North raconte au sujet de cette première vente de dessins : « And having completed this work [c'est-à-dire l'inventaire des dessins et estampes] I instituted another public auction, and dispatched it in the house, when also I caused the drawings to be exposed for a fortnight. And at this sale in eight days I raised above £ 2400. But then the buyers began to be clogged with the quantity, and could not well digest any more, so I interrupted the sale, intending to continue it next year for the rest, which were half, though not the better, but this wonderful Revolution came and hindered me. It was wonderful to see with what earnestness people attended this sale. One would have thought bread was exposed in a famine. Those that bought laid down their guineas which a receiver immediately fingered, ten, twenty, thirty, &c. and got their papers up, well covered with a sort of soft paper we had in plenty for them, and put them either in their bosoms or very close and near them. I remember an Italian with whom sangue and dinari are equally sacred, seeing this, burst forth, « Par dio, io non so che fanno ». - I made the same profession here as at the former sale, that it should be perfectly candid, without addition, subtraction, or false bidding. I remember a lord, now a duke, said, « Damn me, what care I whether the owner bids or not as long as I can tell whether I will buy, and for what ». But I answered that since we had made that declaration I thought myself bound to hold to it. Another lord, finding one of our managers, Mr. Sonnius, old and touchy, took a fancy to fret him, which I did not like, because he had foreign commissions, and much depended on him. This made me stand up and beg his Lordship to reprehend me if anything was amiss ; for it was my doing, and not his, that was but an agent, and followed orders. I thought our heat would have gone on, but some more prudent interposed and turned the matter into jest. I shall give one only instance to shew the prodigious value set upon some of those papers. There was half a sheet that Raphael had drawn upon with umber and white, that we called washed and heightened, a tumult of a Roman soldiery, and Caesar upon a suggestum with officers appeasing them. This was rallied at first, and some said 6 d., knowing what it would come to ; but then £ 10, £ 30, £ 50, and my quarrelsome lord bid £ 70, and Sonnius £ 100 for it, and had it. The lord held up his eyes and hands to heaven, and prayed to God he might never eat bread cheaper. There is no play, spectacle, shew, or entertainment that ever I saw where people's souls were so engaged in expectation and surprise at at the sale of that drawing. Some painters said they would go a hundred miles to see such another. Whereby one may perceive how much opinion is predominant in the estimate of things ». Le dessin de Raphaël, Constantin haranguant ses troupes, dont North parle ici, fut acquis par Sonnius pour un amateur hollandais, le sieur Bergestein, à la mort duquel, en 1704, il a passé dans la collection de N. A. Flinck (L.959), puis avec celle-ci dans le cabinet du duc de Devonshire (L.718). Actuellement il est regardé comme un Perino del Vaga et notre génération reste insensible à l'emballement d'il y a 250 ans. Bergestein (J. van der Does de son nom de famille) acheta beaucoup dans cette vente. Le peintre miniaturiste Gibson acheta, parmi d'autres feuilles, tout un volume de dessins du Parmesan, alors si appréciés (voir Const. Huygens jr., Journal II p. 73). North ajoute à son compte rendu de la vente, de curieuses remarques sur l'intérêt et la valeur des dessins et estampes, passage qui nous mènerait trop loin en le citant ici. Il relate aussi que les amateurs et artistes préféraient de beaucoup les gravures de l'école italienne du XVIe siècle : Bonasone et Marc-Antoine, aux maîtres français du XVIIe. « It is certain some of those antiques sold for £ 10 and £ 12 apiece, and all the Le Brun's great stamps came, not to half the money, and the finest French prints could not reach to a crown a ». Comme North n'était pas connaisseur lui-même, il s'étonnait du jugement des autres. « The scratches and drawings shall be copied so wonderful exactly, that even masters shall be deceived. And this is so frequently done, that one runs a risk that buys a drawing, if he be not very careful. This aptness to be copied deprecates drawings much ; but the masters will seem to be very much assured of copies and originals, and will turn up the nose at some, and say that others as originals stare you in the face. It is certain they know much in their own trade. The variety of masters, to whom drawings are ascribed, is much greater than those of pictures, as the number of drawings passing about is infinitely greater than of pictures. And considering the multitude of painters and really great masters that have been in Italy, whose names are scarce known, but probably were the authors of very many of these drawings, it is pleasant to see the confidence of the masters in christening drawings, They have a list, as Giulio, Paulo, Raphael, Titian, &c., and because the drawings of these men have been seen, all that have any resemblance with them are fathered accordingly, and a value set, as their work ». Quant aux estampes, les différences d'état et d'épreuve ainsi que leur rareté, avaient attiré son attention et il s'étonnait de la rapidité avec laquelle les « printmongers » se rendaient compte de ces détails. Il y avait là de quoi s'exercer l'œil ; la London Gazette des 13-16 févr. 1687 avait annoncé : « The Prints are all the Works of Mark Antoine after Rafael, and other the best Italian Masters, and of the best Impressions, and Proof Prints, in good Condition, and Curiously preserved ; some are double and treble ». C'est à cette vente que se rapporte le produit mentionné par Dally dans les Anecdotes de Walpole II p. 99 : « Twenty-one Portefolios of Drawings £ 1848 9sh. 6d. Twenty-four Books of Prints £ 597 18sh. 6d. » (total £ 2446 8sh.), ce qui concorde avec la mention de North, citée ci-dessus « I raised above £ 2400 ». Richardson, Traité de la Peinture, Introd. p. 8, estime le produit total des dessins, y compris donc ceux de la vente suivante, à £ 2300 et celui des estampes £ 700.
 
II. 1694, 15 novembre et jours suivants (dir. Walton, Lincoln's Inn Fields). Le reste des dessins et estampes. Const. Huygens, le fils, parle de cette vente dans son Journal II p. 433 ; elle fut apparemment continuée jusqu'au 1r décembre. Il y assistait et fit des acquisitions. Ce qu'il dit n'est pas assez précis pour qu'on sache si c'est cette même vente qu'il suivait encore le 6 décembre. Dans ce même journal on trouve déjà à la date du 24 janvier 1692, la mention que le jeune Lely se proposait de vendre le reste des dessins et estampes parce qu'il n'y prenait point de plaisir. Le 2 février 1694 Walton avait déjà offert dans une vente de tableaux « a Port Folio of Drawings all of Sir Peter Lely's Collection », mais ces feuilles n'appartenaient probablement plus à la succession.
 
Sir Peter LELY, Londres.
 
Un portrait du maître, dessiné par lui-même, existe dans la collection Hugh M. Lely. En 1951 parut une monographie sur l'artiste, de la main de R. B. Beckett. Sur la riche collection de tableaux du maître, œuvres de Giorgione, Titien, Véronèse, Tintoret, Bassano, Reni, Caroselli, Feti, Rubens, Elsheimer et beaucoup d'autres noms illustres, voir l'étude par T. Borenius, parue dans The Burlington Magazine, LXXXIII (1943), pp. 185-191 (Supplément LXXXIV 1944, p. 154), à l'occasion de la trouvaille au Victoria and Albert Museum à Londres d'un exemplaire du catalogue rarissime. Cette vente du 18 avril 1682, mentionnée dans notre article [en 1921], comprenait les tableaux ainsi qu'un nombre de dessins de Raphaël, Jules Romain, Polidore de Caravage, Michel-Ange, « de bonne qualité, conservation et provenance » , comme dit le catalogue. Parmi les estampes, beaucoup par Marc-Antoine. Un autre exemplaire de ce catalogue de vente a été retrouvé récemment à Chatsworth et un troisième exemplaire, appartenant au Marquis d'Ailesbury, fut publié par la Historical Manuscript Commission: The MSS of the Marquis of Ailesbury, 15th Report, Part VII (1898), pp. 179-183. On n'a toujours pas trouvé un catalogue de la grande vente des dessins et estampes de 1688 et on ne sait pas s'il a été imprimé.
 

PETER LELY (1618-1680), peintre de portraits, Londres. Dessins et estampes.

Peter Lely, « Principal Painter » de Charles II, était un peintre de portraits à succès et un collectionneur d’art de grande renommée. Avant de s’installer en Angleterre au début des années 1640, il fut membre de la corporation St. Luc de Haarlem, où il s’était formé chez Frans Pieter de Grebber. Une fois arrivé en Angleterre, il continua à peindre des paysages agrémentés de petites figures (‘The Natural Bent of his genius, in Landtskips and Painted with small Figures, as likewise Historical Compositions’, voir R. Graham, The Art of Painting..., Londres 1769, pp. 343-344), avant de se spécialiser dans l’art du portrait. Vers la fin des années 1640 il peint les trois aînés de Charles I (National Trust, Petworth) et le double portrait du roi, avec son second fils, le duc d’York (Duke of Northumberland, Syon). Enfin, pendant les années du Commonwealth, vers la fin des années 1650, il réalise des portraits de parlementaires. Dans le même temps il entretient des rapports avec les royalistes exilés à La Haye, où il a hérité de biens de famille. Dès la restauration de la monarchie en 1660, il est l’un des candidats légitimes au titre de peintre de cour, position auparavant occupée par Anthony van Dyck. Les années suivantes et jusqu’à sa mort, Lely détenait le quasi-monopole des portraits de cour à la mode.
   Nous ignorons la date à laquelle Lely commença sa collection et il n’est pas exclu qu’il demeurait à cette époque encore en Hollande. Lely avait fait la connaissance dans les années 1650, et peut-être auparavant, de Gerrit von Uylenburgh, membre d’une famille amstellodamoise de marchands d’art. Une étude récente suggère qu’une partie de sa collection de tableaux aurait fonctionné comme fonds de commerce pour ou en collaboration avec Uylenburgh (F. Lammertse et J. van der Veen, Uylenburgh & Son. Art and commerce from Rembrandt to De Lairesse 1625-1675, Zwolle 2006, pp. 263-270). Son rapport avec l’artiste-marchand George Geldorp, pour lequel Lely travailla dès son arrivé en Angleterre, a dû être important, et ses achats de huit tableaux provenant de la collection royale – dont des peintures par van Dyck et Terbruggen qu’il rendit sous la Restauration – pourraient avoir été facilités par Geldorp, activement impliqué dans la série de ventes dites du ‘Commonwealth’ pour disperser les biens du feu roi. Il est fort probable que Lely profita des multiples ventes des biens confisqués des propriétés des royalistes, organisées dans les années 1650. À sa mort en novembre 1680, sa collection de tableaux comprenait plus de 570 pièces : un peu plus de la moitié de peintures de sa main ou de son grand atelier, et l’autre partie composée d’œuvres d’artistes hollandais et flamands, comme Rubens et Van Dyck, mais aussi de maîtres italiens du XVIe siècle comme Veronese, Tintoretto et les Bassano, ou, enfin, de quelques œuvres de maîtres français et espagnols.
   La vente de la collection de tableaux eut lieu après son décès, dans son ancienne maison de Covent Garden au mois d’avril 1682. Le résultat de cette vente s’éleva à 6 000 £, et la somme fut utilisée pour couvrir une partie de ses dettes. Y furent inclus, peut-être à cause de leur grand format, certains dessins et cartons de Raphaël et Jules Romain. La vente était annoncée comme : « great Numbers of Drawings of Raphael, d’Urbin, Julie Romain, Polydor, Michael Angelo d Bonarrotti, etc… as also a great Quantity of prints of Mark Anthony, and others the most Curious ».
   En parallèle de sa collection de tableaux, Lely constitua une remarquable collection d’estampes et de dessins qu’il croyait lui-même ‘la meilleure en Europe’ (Oxford, Bodleian Library, MS Rawl. 8 572, Beale Notebook for 1677). Comme pour ses tableaux, les exécuteurs testamentaires organisèrent là aussi des ventes pour apurer ses dettes. Aucun catalogue des ventes de 1688 et 1694 ne semble avoir été imprimé, mais la marque composée des lettres P L apposée post mortem par Roger North, ami intime de Lely et un des exécuteurs testamentaires, permet d’obtenir une idée de la variété et de la qualité des œuvres sur papier de cette collection.
   Lugt a identifié trois marques composées des lettres P L (L.2092, L.2093 et L.2094) et le livre de comptes, tenu par les exécuteurs testamentaires documente le payement de 4 shillings pour une marque à lettres, et un second payement de 3 shillings pour une marque en laiton, qui peut être identifiée avec la marque composée du monogramme (L.1734). Comme North le relate dans son autobiographie, c’est lui qui a apposé la marque P.L sur chaque papier, estimant que le tout constituait environ 10 000 (!) feuilles. La dernière marque (L.2094) se rencontre moins fréquemment.
   Il existe en outre un nombre de fausses marques, une, par exemple, inscrite à la plume et à l’encre, présente sur des œuvres qui sortent de ce que Lely collectionnait habituellement. Il existe aussi un tampon composé des lettres P L, mais un peu plus grandes, plus espacées, le point étant au centre au lieu de descendre légèrement sous la ligne de calage. Cette marque se trouve souvent associée à d’autres, à l’instar de celle de Lanier avec son étoile (par exemple vente 2008, 9 juillet, Londres, Sotheby’s, no 83, comme cette Déposition attribuée à Stefano dall’Arzere).
   En réunissant les dessins portant la bonne marque P.L, on relève un nombre important de dessins d’artistes italiens du XVIe siècle comme Parmigianino, Correggio, Raphael, Perino del Vaga et les frères Ferderigo et Taddeo Zuccaro. La marque figure sur des dessins de paysages et de figures du XVIIe siècle par Annibale et Lodovico Caracci, ainsi que sur un petit nombre de dessins de la main de Claude. Du XVe siècle, on rencontre quelques dessins par Carpaccio et Leonardo. Parmi les artistes du Nord il faut mentionner Van Dyck, dont son Album d’esquisses italiennes et presque 40 esquisses à l’huile pour son Iconographie. On trouve ensuite plusieurs feuilles de Dürer, Hans Sebald Beham et George Pencz.
   La collection d’estampes de Lely fut également composée d’œuvres de l’École italienne, comme l’annonçait déjà le catalogue de vente de tableaux de 1682. On connaît effectivement des épreuves de grande qualité d’estampes de Marcantonio Raimondi et de ses assistants, Agostino Veneziano et Marco da Ravenna, mais aussi de Giulio Bonasone d’après Raphael, ou de Giulio Romano. Lely possédait également des impressions remarquables d’estampes de Lucas Cranach (voir Dethloff 2003). Ces observations confirment ainsi les propos de ses exécuteurs testamentaires, selon lesquels la collection d’estampes de Lely « were of the best masters and of the best impressions and proof prints and in good condition and curiously preserved, some are double and treble ».
   En supplément de la marque P.L, Roger North a ajouté une combinaison de lettres correspondant au système de classement adopté pour la mise en volume des estampes (voir sous L.2029). Ces chiffres figurent non seulement sur les volumes, mais sur les estampes également, où ils ont été rapportés. Le peu de temps disponible pour préparer la vente suggère que North a suivi selon toute vraisemblance l’ordonnancement de la collection tel que Lely l’avait prévu. Le fait que, dans de nombreux cas, le numéro figure au recto indique que l’artiste a acheté ou conservé les estampes collées dans des volumes. L’ordre alphabétique et numérique permet de comprendre que les estampes étaient classées généralement par artiste, graveur, sujet et état. En revanche, North ne semble pas avoir annoté le recto des dessins, ce qui indique que les feuilles furent conservées non montées. Quand on prend un petit groupe de dessins de paysages par Domenico Campagnola et Annibale Carracci, à titre d’exemples, il semble bien que Lely a classé ses dessins par sujet et par dimensions (Dethloff 2003, pp. 136-138).
   Ce qui est vrai pour sa collection de tableaux s’applique aussi à ses estampes et à ses dessins, réunis pour différents motifs : son désir de reconnaissance en tant que connaisseur et homme de goût, son désir, aussi, de constituer un fonds en vue de transactions commerciales, son désir, enfin, de former son goût et celui de ses assistants.
   Beaucoup de ses dessins de maîtres représentent des figures, et les études de draperies de Parmigianino rappellent ses propres portraits féminins de la fin des années 1660 et 1670. Mais Lely possédait aussi d’autres types de dessins, de décoration par exemple, comme ceux de Perino del Vaga et Peruzzi, des dessins préparatoires pour la décoration du Palazzo del Te, de Giulio Romano, ou des dessins à la plume et à l’encre de paysages parfaitement achevés, de Domenico Campagnola et Giovanni Grimaldi.
   D’après une remarque dans le catalogue de vente de ses tableaux de 1682, nombre de ses estampes et dessins auraient été choisis parmi plusieurs collections des plus curieuses de son temps. North a suggéré que celle du comte d’Arundel fut une source importante, comme le confirme une entrée dans le journal de John Evelyn datée du 9 mai 1683 (voir Jessopp 1887). Quand Evelyn rendit visite au petit-fils d’Arundel, 6e duc de Norfolk, il demanda « s’il voudrait bien lui laisser un de ses cartons et autres dessins de Raphael & des grands maîtres... il me disait que s’il pouvait les vendre ensemble, il le ferait, mais feu Sir Peter Lely (notre fameux peintre) avait obtenu plusieurs des meilleurs » (“whither he would part with any of his Cartoonnes and other Drawings of Raphael & the greate masters… he told me, if he might sell them altogether, he would, but that the late Sir Peter Lely (our famous painter) had gotten some of the best”. Evelyn Diary, IV, p. 497). North suggérait aussi que Lely avait acquis une partie importante de la collection de Nicholas Lanier après son décès en 1666 (Jessopp 1887, p. 202). Enfin, il liait également la collection de Lely à celle de Van Dyck, et il n’est pas impossible que des feuilles de cet artiste, dont son Livre de croquis italiens, aient pu être achetées par Lely chez la veuve de Van Dyck.
   John Michael Wright (1617-1694), un collègue de Lely, disait à Constantijn Huygens le 18 novembre 1690 que Lely lui avait vendu un certain nombre de dessins de Carracci de sa collection, mais Wright ne possédait pas de marque, et cette provenance reste difficile à prouver. La suggestion de Constantijn Huygens que Lely aurait rendu des copies, exécutées par ses élèves, à la place des originaux qu’il avait « empruntés » à la collection royale, paraît peu vraisemblable (Huygens, Historisch Gezelschap Werken Nieuwe Serie, 1862, p. 361 et 362).
   Une autre source de dessins provient de la collection de Walter van der Voort, marchand d’Anvers décédé en 1654. Il semble qu’autour de 1657, Lely et Gerrit von Uylenburgh avaient acquis ensemble cette collection, probablement du fils du collectionneur. Les dessins étaient placés dans dix albums et comprenaient des feuilles de Titien, Raphael, Parmigianino, Tintoretto et Palma Giovane. Christian Huygens, frère de Constantijn, a rendu visite à Lely en 1663 et admiré sa collection impressionnante de dessins italiens, dont la plupart provenaient de la collection du cabinet de Van der Voort. Lely racontait à Christian Huygens qu’il avait choisi les meilleures feuilles pour lui-même et qu’il avait laissé les autres à Uylenburgh, lequel les emporta par la suite en Hollande (voir Lammertse et Van der Veen 2006, p. 268 citant Huygens, Œuvres complètes de Christian Huygens, La Haye 1888-1950, t. 4, pp. 456-457).
   La deuxième vente, organisée pour disperser la collection de Peter Lely et la première entièrement dédiée aux estampes et dessins, fut programmée pour le mois d’avril 1688. Elle fut annoncée par la London Gazette du 13 au16 février 1687-1688 : « Upon Monday in Easter Week will be Exposed by Publick Auction, a most Curious and Valuable Collection of Drawings and Prints made with great Expences and Care by Sir Peter Lely painter to his late Majesty. »
   Une deuxième annonce, parue dans la London Gazette cette fois, publiée peu avant la vente, indique comme date le 16 avril : « On Monday next being the 16th Instant will begin the sale of Sir Peter Lely’s Collection of Drawings and Prints according to the Notice formerly given. And this is further to signify that the sellers propose to deliver everything immediately as it is sold and to receive ready money for the same. »
   Comme ce fut le cas en 1682 pour la vente des tableaux, cette vente eut lieu dans la maison de Lely à Covent Garden, sous la houlette du commissaire-priseur, Richard Tompson, marchand d’estampes et l’un des fournisseurs de Lely, et de Frederick Sonnius, ancien assistant du peintre et chargé de la partie administrative de la vente. La haute opinion qu’avait Lely sur sa collection fut alors partagée par bon nombre des personnes présentes, comme le souligne le témoignage ultérieur de North : « It was wonderful to see with what earnestness people attended this sale. Owne would have thought bread was exposed in a famin. Those that bought lyd down their Ginny’s which a receiver immediately fingered, 10. 20. 30 etc., and gat their papers up, well covered with a sort of soft paper we had in plenty for them, & put them either in their bosome or very close & neer them. I remember an Italian with whom sangue and dinari are equally sacred, seeing this burst forth, ‘Par Dio, io non so che fanno’ » (British Library, Add. MS 32,506, fol. 184 verso ; Dethloff 2011, p. 35).
   Le prix de certains ouvrages était très élevé. North décrit comment un dessin, à l’époque considéré comme de la main de Raphael (aujourd’hui attribué à Luca Penni), Caesar devant ses troupes, fut adjugé après une bataille acharnée pour 100 £. North écrit : « There is no play, spectacle, shew or entertainment that ever I saw, where people’s souls were so engaged in expectation & surprise at the sale of that drawing. Some painters said they would go 100 mile to see such another » (British Library, Add. MS 32,506, folio 185 recto & verso). Après huit jours de cet acabit, le commissaire-priseur décida d’interrompre la vente, craignant que son succès ne faiblisse en raison de la ‘révolution glorieuse’ et de l’arrivé de William et Mary sur le trône d’Angleterre. Selon North lui-même : « The said sale which began 16 Apr – 88 and continued 8 days when the company decreased and it was thought fitt to adiourne the further progress till a fitter opportunity, in the meane time the rest of the collection remains in the custody of Mr Sonnius » (British Library, Add. Ms 16, 174, folio 85 verso).
   Jusqu’à cette interruption, 21 portfolios de dessins et 24 d’estampes furent vendus, avec un nombre non spécifié de livres d’estampes, reliés ou non, pour une valeur totale de 2 446 £ et 8 shillings au profit de la succession Lely. Le journal de la vente, qui comportait le nom des acquéreurs et le prix des œuvres, n’a pas été conservé, exception faite pour quelques payements spécifiques, à l’instar de celui de Sonnius par exemple, qui aurait acheté pour le compte de clients étrangers comme Prosper Henry Lankrink (voir L.2090) et William Gibson (voir Dethloff 1996, p. 21).
   Les estampes et dessins invendus restèrent entre les mains de Sonnius jusqu’à leur transfert en décembre 1691 vers Middle Temple, résidence de North (British Library, Add. Ms 16, 174, fol. 110 recto). Au mois de février 1693/94, la London Gazette annonça la vente par Perry Walton († 1702), à Lincoln Inn, d’un portfolio de dessins provenant tous de la collection Lely, et qui aurait lieu le 20 février. Le 22 octobre de la même année, on peut lire : « Wherin it has been advertised that the rest of Sir Peter Lely’s Drawings and Prints were to have been sold by Auction the 25 October, the said Auction is put off to 13 November next at 3 after Noon and will be exposed to view 5 days before at Mr Walton’s house in Lincoln’s Inn Fields, the 2nd door in Holborn Row, where they are to be sold. » Cette dernière vente eut lieu finalement du 24 novembre au 1er décembre 1694. Nous ne disposons d’aucun rapport, mais beaucoup considérèrent, comme North, que cette partie était vraiment l’enfant pauvre de la collection.
   Nous tenons à remercier Diana Dethloff de l’aide qu’elle nous a apportée dans l’écriture de cette notice, et nous renvoyons nos lecteurs pour de plus amples détails à la bibliographie.

SOURCES
Londres, British Library, Add. Ms 16,174 et Add. MS 32,506.
R. Stephens, ‘Sale of prints and drawing belonging to Sir Peter Lely, at his house in the Great Piazza, Covent Garden, 16 April 1688’, in The art world in Britain 1660 to 1735, voir http://artworld.york.ac.uk (consulté le 11 août 2017).

BIBLIOGRAPHIE
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H. et M. Ogden, ‘Sir Peter Lely’s Collection: Further notes’, The Burlington Magazine, 84, juin 1944, 495, p. 154.
D. Dethloff, ‘The Executors’ Account Book and the Dispersal of Sir Peter Lely’s Collection’, Journal of the History of Collections, 8, 1996, 1, pp. 15-51.
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D. Dethloff, ‘Patterns of drawing collecting in late seventeenth- and early eighteenth century England’, dans D. Dethloff (dir.), Drawing : Masters and methods. Raphael to Redon, Londres 1992, pp. 197-207.
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D. Dethloff, ‘Sir Peter Lely’s collection of prints and drawings’, Collecting Prints & Drawings in Europe c. 1500-1750, éd. par M. Baker, C. Elam et G. Warwick en association avec le Burlington Magazine, Londres 2003, pp. 123-139.
F. Lammertse et J. van der Veen Uylenburgh & Son. Art and commerce from Rembrandt to De Lairesse 1625-1675, Zwolle 2006, pp. 263-270.
A. Griffiths, ‘Some collectors’ marks in the British Museum’, dans P. Fuhring (dir.), Cinquièmes Rencontres internationales du Salon du dessin. Les marques de collections I, Dijon 2010, pp. 55-63, à la p. 57.
D. Dethloff, ‘The P.L stamp: Peter Lely’s collection of drawings’, dans P. Fuhring (dir.), Sixièmes Rencontres internationales du Salon du dessin. Les marques de collections II, Dijon 2011, pp. 35-43.


Date de mise en ligne : janvier 2017 ; dernière mise à jour : septembre 2017.


Frits Lugt, Les Marques de Collections de Dessins & d’Estampes | Fondation Custodia