J. RICHARDSON Senr (1665-1745), peintre de portraits, Londres. Dessins et estampes.
Jonathan Richardson le père fut élève du peintre John Riley à partir de ses vingt ans, et se fit une carrière prospère comme peintre de portraits. Si le goût n'est plus pour les froids continuateurs de Lely et de Kneller, auxquels il appartenait, il faut néanmoins reconnaître à ses œuvres une certaine habileté et de la conscience, bien que la force et la grâce y manquent. Malgré la quantité de bons exemples que lui fournissaient les œuvres d'autres maîtres dont il s'entourait, malgré les charmes qu'il y sut découvrir et malgré les théories qu'il parvint à formuler, lui-même ne dessina bien que les têtes et manquait absolument d'imagination dans ses œuvres. En eau-forte il grava d'une pointe légère les portraits des collectionneurs Lord Somers et Richard Mead, de Bolingbroke, de Pope, ainsi que son propre portrait. Il dessina beaucoup de portraits à la pierre noire et à la sanguine, surtout vers la fin de sa vie ; dans la succession de son fils on trouva quelques centaines de portraits dessinés d'après lui-même et son fils ; ce dernier les avait couverts d'expressions affectueuses. Ce fils, Jon. Richardson le jeune (L.2170), fut un collaborateur fidèle de son père, spécialement dans ses occupations littéraires. Le père et le fils comptaient parmi les meilleurs connaisseurs de leur époque en manière d'art, surtout en œuvres de l'école italienne. Avec les notes de voyage prises par le fils, ils publièrent, en 1722 An Account of some of the Statues, Bas-reliefs, Drawings and Pictures in Italy (2 vol.). Cette publication, restée la plus connue, avait été précédée de quelques autres par Richardson père : Essay on the Theory of Painting (1715), Essay on the whole Art of Criticism in Relation to Painting et An Argument in behalf of the Science of a Connoisseur (ces deux en 1719), seconde édition anglaise, en un vol., en 1773. Ces différents ouvrages furent traduits en français par le littérateur et collectionneur L. H. ten Kate, d'Amsterdam, et revus par l'amateur A. Rutgers le jeune. Richardson lui-même y ajouta différentes remarques et rectifications, et l'ensemble ainsi refondu, reparut à Amsterdam en trois volumes dans l'année 1728 sous le titre Traité de la Peinture. Les Richardson n'étaient pas nés hommes de lettres et par conséquent leur style n'était pas toujours heureux. Walpole (Anecdotes II p. 275) en dit : « As the father was a formal man, with a slow, but loud and sonorous voice, and, in truth, with some affectation in his manner ; and as there is much singularity in his style and expression, those pecularities, for they were scarce foibles, struck superficial readers, and between the laughers and the envious, the book was much ridiculed. Yet both this and the former are full of matter, good sense, and instruction ». La lecture doit s'en faire avec circonspection, parce que leurs théories manquaient d'impartialité. Ils croyaient voir en entier l'histoire de l'art, mais en vérité leur horizon était assez borné. Leur prédilection pour l'école italienne, et particulièrement de l'époque de Raphaël, influença leurs théories à tel point que l'importance d'autres génies ne leur fut pas clairement révélée. Du reste, le père n'avait jamais quitté l'Angleterre, et le fils, pendant son séjour en Italie, avait dû abandonner la visite à Venise, Gênes et Naples. Les dessins collectionnés par le père, tout beaux qu'ils fussent, contribuèrent à accentuer démesurément leurs préférences et parfois, les fréquentes mentions de ces feuilles dans leur livre sentent la réclame. Sous ce rapport il est caractéristique de signaler leur enthousiasme pour les cartons de Raphaël d'Hampton Court. Selon eux c'est là qu'il faut apprendre à apprécier Raphaël, plutôt qu'au Vatican. Mais le lecteur n'oublie pas que Richardson possédait cinquante fragments d'autres cartons, dont il faisait grand cas ! Aussi divers passages du livre ne manquèrent pas d'être attaqués par des connaisseurs comme Bottari, Mariette et Heineken. Il va de soi que les théories des Richardson étaient dominées par la recherche du noble et du sublime dans l'art. A une époque où la peinture dormait en Angleterre, ils voulurent la forcer par des règles. Leur « Art de Critiquer » (T. II de leur Traité) n'est qu'un excès de raisonnements et le sentiment y compte pour peu. S'ils avaient pu appuyer leurs théories par d'excellentes productions de leur pinceau, comme fit cinquante ans plus tard Reynolds, on leur pardonnerait. Pourtant leurs idées annoncent le chef de l'école anglaise. En paroles aussi ils ont formulé quelques maximes qui font preuve d'une certaine clairvoyance ; en lisant leurs discours sur « la Connaissance des Mains » (ce que nous appellerions se connaître dans les factures des différents maîtres) et sur « la Science d'un Connoisseur », on reconnaîtra le vieux Richardson comme un remarquable précurseur des juges modernes. - Ils s'essayèrent aussi en littérature, voir leur volumineuse étude sur Paradise Lost de Milton (1734), et la publication du père, Poems on several Occasions (1745). Il habitait à Queen's Square, Bloomsbury.
Comme collectionneurs, les Richardson relient le XVIIe siècle, l'ère de Lely, au XVIIIe siècle, la période d'un Reynolds. Le père est en Angleterre la figure la plus notoire parmi les amateurs de dessins au début du XVIIIe siècle. Si l'on pense aux superbes collections dispersées de son vivant : Lely, Lankrink, Lord Somers, son ami le poète Prior, Talman, Gautier, etc., on se rend compte de quelles occasions alléchantes il a pu profiter. Son œil sûr lui permettait de triompher de ces compétiteurs, fussent-ils souvent plus riches. On dit qu'il hérita d'une bonne partie de ses dessins de son maître Riley († 1691), dont il avait épousé la nièce. Il vérifia pour Lord Somers les dessins acquis par ce collectionneur de l'héritier de l'évêque d'Arezzo et qui avaient été réunis par Padre Resta (voir au L.2992). A cette occasion Richardson en obtint un certain nombre pour lui-même. On le voit, les Richardson ne se bornaient pas à leur propre collection, circonstance dont ils surent tirer profit. Ils arrangèrent aussi les superbes collections du Duke of Devonshire et du Earl of Pembroke, et procurèrent nombre de belles feuilles à ces amateurs. Ce commerce, on le pense bien, ne fut pas sans avantages. La vente après le décès de Richardson père ne comprenait pas moins de 4749 dessins, et selon Walpole (Anecdotes II p. 277) il en restait encore qui ne furent dispersés que dans la vente du fils en 1772. Il avait également collectionné des sculptures et des tableaux ; ces derniers (112 nos) firent £ 700 à sa vente (selon Walpole, mais Vertue ne dit que £ 500).
Richardson père avait l'habitude de marquer au verso les dessins ou leurs montures de majuscules et de chiffres désignant ses portefeuilles (voir au L.2983). Les marques reproduites ci-contre [L.2183 et L.2184] servirent seulement pour les dessins. Fagan attribue à tort la marque L.2183 au jeune Richardson. Voir des spécimens de ses annotations aux L.2993-2996.
VENTE : 1747, (1746 vieux style), 22 janvier et 17 soirs suivants, Londres (dir. Cock, à l'adresse « Covent Garden » où eurent lieu dans la suite les ventes dirigées par Langford). Dessins, estampes, maquettes et moulages. Chaque vacation contenait environ 70 nos, mais les feuilles étaient réunies en lots et la description en est des plus succinctes. Les feuilles capitales de la collection se retrouvent plus facilement par ce qu'en disent les Richardson dans leur Traité (par exemple Giotto, la Barque, III p. 538, - de Vinci, Judas, III p. 36, Chevaux 113 et Portrait de Goufier 114, - Raphaël, III p. 42, 460, 626, - Michel-Ange, III p. 118, - Andrea Sacchi, Innocent X, III p. 130, - Pordenone, son portrait, III p. 86, - le Corrège, la Nuit I p. 97 et III p. 39, - le Guide, son portrait, III p. 108, - Rembrandt, Vieillard sur son lit de mort, I p. 204, - Rubens, III p. 27 et portraits de ses épouses pp. 27-28, etc.). Un des grands acheteurs fut le peintre Th. Hudson, élève et beau-fils de Richardson (L.2432). Par celui-ci nombre des dessins passèrent plus tard chez Joshua Reynolds, élève de Hudson. D'autres acheteurs furent van Haecken, Houlditch (fils ?), Cholmondeley, Howard, Price, Duke of Rutland, Horace Walpole, Trevor, Dr. Mead, Lord James, Rysbrack, Hayes, etc. Voici quelques-uns des plus hauts prix : Deux dessins par Claude Gellée, l'un de la coll. Lord Halifax, l'autre en couleurs £ 4 16s. 6d., deux Michel-Ange, figures pour plafond £ 4 5s., Titien, l'empereur Charles V £ 5, deux Rembrandt, Jeune homme et Homme lisant près du feu £ 5, Clovis, portrait miniature du Dante, Holbein, Portrait de dame et un autre dessin £ 10 10s., deux têtes par Titien et le Guide £ 7 7s., le Guerchin, Deux femmes en conversation £ 4 5s., P. da Cortona, L'Assomption £ 6 5s., Les têtes des cartons de Raphaël furent vendus après les tableaux. George Vertue (Brit. Mus, Mss. Add. 23079 f 42) nota lors de la vente : « There was alwayes a crowd of the Virtuosi - there appeard an unexpected ardor in the purchasers and they sold all very well and some to extraordinary prices. - for which reason the last night of the sale Mr. Richardson his son sent a Letter of thanks to the Nobles & Gentlemen who had shown such marks of respect and Esteem for his fathers Collection ». - Produit £ 2003 4s. 6d.